dimanche 8 septembre 2019

L'école d'autrefois

La voix de maman me tire doucement du sommeil. Il fait nuit encore, et bien frais dehors. Je me lève rapidement, fais ma toilette, m’habille et vais dans la salle à manger où maman m’a préparé mon petit-déjeuner. Puis, je rassemble mes affaires : une musette en grosse toile cousue par maman contenant un plumier, une ardoise et un alphabet. Je prends aussi une gamelle contenant le repas de midi que maman m’a préparé et la blouse grise boutonnée qui protège mes vêtements pendant la journée. Enfin, une bûche pour ma participation au chauffage de la salle de classe complète mon fardeau.
L’école communale est à un bon kilomètre de chez moi ; je fais le trajet à pied, accompagné de mon meilleur ami qui habite la ferme la plus proche, et de mes deux cousins que nous récupérons un peu plus loin. A plusieurs, le trajet semble plus court. En cette saison, nous portons une pèlerine à capuche pour nous protéger du froid, et de grosses chaussettes dans des galoches cloutées.

Nous arrivons en avance car il est impensable d’être en retard à l’école ! Lorsque huit heures sonnent, le maître, dont le logement se trouve au-dessus de l’école, ouvre la porte, tape des mains et nous nous mettons en rang. Le maître nous fait entrer dans la salle en ordre et en silence. Lorsqu’il pleut, nous déposons nos galoches mouillées près du poêle pour les faire sécher. C’est aussi autour du poêle que nous nous rassemblons les jours d’hiver pour faire réchauffer notre repas. Chaque enfant dépose près du poêle la bûche qu’il a apportée et qui servira à l’alimenter. D’ailleurs l’allumage et l’entretien du poêle est l’une des premières leçons qu’apprennent les grands garçons.
L’école n’est pas mixte : garçons et filles suivent les cours dans des établissements séparés. Chaque classe peut contenir jusqu’à 40 enfants. Les pupitres comprennent tables et bancs pour deux personnes, le dessus de la table se soulève et dévoile un rangement où l’on peut déposer ses cahiers d’exercices. Sur le dessus, un encrier en porcelaine est rempli d’encre violette par le maître.
Le bureau du maître se trouve un peu en hauteur, sur une estrade, afin de pouvoir surveiller la classe. Derrière lui, un tableau noir où, chaque matin, il écrit une leçon de morale qu’il fait lire à l’un d’entre nous et qu’il explique ensuite. La salle dispose d’une grande armoire où il conserve tout ce qui est utile à son enseignement : les livres, les boîtes contenant les poids et mesures, les instruments de géométrie, les tableaux d’insectes… Au mur on trouve une carte de France, une planche montrant le fonctionnement d’un cœur et une affiche vantant la tempérance vis-à-vis de l’alcool.

Nos journées s’organisent au rythme des leçons d’orthographe, de grammaire, d’arithmétique, d’histoire et de géographie, ainsi que des « leçons de choses ». Tandis que les filles apprennent la couture et le tricot, les garçons font des travaux manuels. Tous, nous devons écrire à la plume et nous entraîner pour avoir une belle écriture. L’un de mes camarades est gaucher, mais il n’a pas le droit d’écrire de la main gauche considérée comme « la main du diable » ! En début d’année, le maître lui a attaché la main gauche pour l’obliger à apprendre à se servir de sa main droite ; il y arrive assez bien maintenant.
La semaine prochaine sera un grand moment pour notre école : sept d’entre nous, après cinq années de scolarité, vont passer leur certificat d’études ; le maître va les accompagner pour, espère-t-il, récolter les honneurs du fruit de son travail. La première épreuve est écrite ; elle se compose d’une dictée, de deux problèmes de calcul et d’une rédaction. Pour ceux qui ont au moins cinq sur dix à cette épreuve vient ensuite l’oral : muni de ses cahiers, l’élève doit réciter un texte, l'expliquer, et répondre à des questions d'histoire et de géographie. Malgré la bienveillance des examinateurs, en 1900, seuls 40 % des candidats décrochent le précieux examen !

Un grand merci au musée du scribe à Saint Christol-Lez-Ales (30) dont les photos de la salle de classe illustrent cet article (http://www.museeduscribe.com/)

Lady Adélaïde Froufrou

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