jeudi 29 avril 2021

Le musée Méliès

Le musée de la Cinémathèque de Paris a fermé ses portes en 2020 pour travaux. Il devait ouvrir en janvier 2021 mais la crise sanitaire en a décidé autrement. Lorsque les conditions le permettront, il rouvrira et deviendra alors le musée Méliès !

Grâce à sa collection unique au monde d’archives diverses (dessins, photographies, documents), de maquettes et de costumes réunis par son fondateur Henri Langlois, la Cinémathèque rend hommage à Georges Méliès.

On pourra y découvrir de nombreux objets tels qu’accessoires de magie et de prestidigitation (n’oublions pas que Georges Méliès était un magicien), fantasmagories, lanternes magiques, jouets d’optiques mais aussi les premiers appareils de cinématographie tels que le Kinétoscope de Thomas Edison, le Cinématographe des frères Lumière, la première caméra et le premier projecteur de Méliès, etc.

L’entrée dans le monde magique de Méliès se fait au travers du théâtre de Robert-Houdin et à la découverte du cinématographe avant de pénétrer dans l’espace du studio de Montreuil. Des affiches, programmes, pièces d’archives, dessins, costumes et projections permettent d’évoquer divers films de Méliès dont le célèbre voyage dans la lune.

Une immersion recommandée à tous les cinéphiles et aux amoureux de Méliès !

Musée Georges Méliès
Cinémathèque
Paris

jeudi 22 avril 2021

Hugo Cabret

Hugo Cabret est un magnifique hommage rendu par Martin Scorcese à Georges Méliès.

Visuellement, le film est magnifique avec une esthétique très steampunk même si l’histoire se déroule en 1931. On y trouve l’univers de la gare, des horloges, des automates… L’évocation de l’ère machiniste et industrielle de ce début de siècle est particulièrement réussie avec les énormes rouages des diverses horloges, les locomotives, mais aussi la finesse de l’automate dessinateur, vedette du film.

Un énorme travail a été réalisé sur les décors (le hall de gare, les rails, les quais, les boutiques ont été recréés sans trucage numérique) mais aussi sur la lumière (tantôt bleutée tantôt plus chaude) afin de recréer un Paris de carte postale très proche du début du XX° siècle.

Georges Méliès, incarné par un excellent Ben Kingsley surprenant de mimétisme, y apparaît dans la plus dure des époques de sa vie où il tenait une boutique de jouets dans la gare Montparnasse. Il est alors oublié de tous, aigri par la vie mais sa rencontre avec Hugo, remonteur d’horloge, permet au spectateur de renouer avec la période de sa vie la plus heureuse.

Ambiance, décor, histoire, personnage... Tout dans ce conte est un enchantement visuel ! Au travers de ce film, Martin Scorcese déclare son amour pour Méliès et nous fait revivre cette époque où le cinéma inventait les trucages et les techniques que nous connaissons aujourd’hui. Un magnifique hommage pour tous les cinéphiles mais aussi pour les amateurs de ce début de siècle.

Synopsis : Paris, 1931. Hugo Cabret est un orphelin de douze ans dont le père, horloger, vient de mourir. Alors qu'il vit dans une gare parisienne, le jeune garçon tente d'achever l'automate que son père avait commencé avant sa mort…

Hugo Cabret de Martin Scorcese (2011)

jeudi 15 avril 2021

Les trucages au cinéma en 1905

En 1908, le célèbre fabricant d’extrait de viande Liebig propose aux acheteurs de ses produits de collectionner une série de cartes postales intitulée « Les trucs du cinéma ». Si ces cartes naïves dévoilant les premiers trucages du cinéma peuvent aujourd’hui faire sourire, il faut les replacer dans leur époque. Nous sommes en effet en 1905 et la première séance de cinéma a moins de 10 ans ! Si de nombreuses personnes achètent des produits Liebig, toutes n’ont pas encore assisté à une projection de cinématographe.

Georges Méliès est furieux à l’encontre de cette publication, elle-même issue d’un article de presse de la même année dans la revue L’Illustration qui détaille les trucages du cinématographe. Il explique que divulguer ces secrets anéanti les illusions qu’il a mis tant de temps à préparer et que le public refusera alors de s’émouvoir. Cette réaction n’est guère surprenante venant de la part d’un magicien qui refuse de dévoiler ses « trucs ».

Catastrophe de chemin de fer
Le truc est très simple. Tant le train que le décor sont des miniatures soigneusement réalisées.

Rêve de Trottin
Cette jeune fille voit dans le couvercle de son panier un groupe de danseuses. En fait, le couvercle correspond à un trou dans le décor de fond qui est peint sur une toile.  Les ballerines sont filmées sur un fond noir à travers ce trou, ce que l’on voit sur la partie droite de la carte postale.
La dextérité d’un monte-en-l’air
Allongé sur le sol, le cambrioleur rampe sur un décor représentant la façade d’un immeuble. La caméra est penchée de manière à simuler un plan vertical. Lors de la projection, l’image est remise dans le bon sens afin que l’immeuble apparaisse vertical.
La sirène
Comme pour le truc précédent, l’actrice fait semblant de nager alors qu’elle est allongée sur une toile peinte. Ces images pourront être superposées à une pellicule impressionnée par des vues de poissons dans un aquarium pour donner l'illusion que la sirène évolue dans la mer au milieu des poissons.
La fuite des potirons
À l’image, les spectateurs verront les potirons sauter de la charrette, remonter la rue en pente et rentrer par la fenêtre. La scène tournée est en fait celle de potirons jetés par la fenêtre dans une rue en pente, l’homme courant à reculons. En projetant le film à l’envers, l’illusion des potirons fuyant de la charrette sera parfaite !
L’accident d’automobile
Un acteur ayant perdu ses jambes est utilisé pour jouer l’accidenté. On lui fixe des fausses jambes sur lesquelles la voiture va pouvoir rouler. Après un arrêt de la caméra, on remplace l’acteur par un acteur valide habillé de manière identique. On redémarre la caméra et ce nouvel acteur est filmé se levant et se mettant à courir !

jeudi 8 avril 2021

Le génie Méliès

Si les frères Lumière ont inventé le cinéma et Pathé et Gaumont l’industrie du cinéma, Georges Méliès a, quant à lui, inventé le spectacle de cinéma !

Né dans une riche famille ayant fait fortune dans l’industrie de la chaussure, il aurait pu se contenter d’une vie de rentier, mais il n’a pas vocation à poursuivre dans cette voie. Lors d’un séjour en Angleterre, il va découvrir sa véritable passion : la magie !

De retour à Paris, il va décider de vivre de son art. Avec l’héritage de son père, il achète le théâtre Robert Houdin, temple de la magie, situé non loin du Grand Café où aura lieu la première projection de cinéma de l’histoire. Il se passionne pour certaines nouvelles technologies comme le théâtre optique d’Émile Reynaud.

Il assistera en 1995 à la première projection de cinéma mais se verra opposer par les frères Lumière un refus pour l’acquisition de cette nouvelle machine. Sans se décourager, Georges Méliès achète à Londres un Theatrotograph et débute la projection de films. Puis, aidé par Lucien Reulos et l’ingénieur Korsten, il fabrique un appareil de prises de vue baptisé Kinetograph. À l’aide cet appareil, il tourne le 10 juin 1896 son premier film dans la propriété familiale à Montreuil.

Le studio de Montreuil
De nombreux autres suivront. Le 22 mars 1897, il inaugure son premier studio de cinéma entièrement vitré, le plus perfectionné au monde à l’époque.  Méliès n’arrête pas de tourner et découvre toutes les possibilités de sa caméra et notamment les trucages de toutes sortes : utilisation de fonds noirs, utilisation de l’arrêt de la caméra, utilisation de la surimpression, trompe-l’œil (n’oublions pas que George Méliès possède un réel talent de dessinateur), etc. Si Méliès filme quelques drames historiques comme l’Affaire Dreyfus, les fééries sont sa spécialité.

Le cinéma offre à Méliès la possibilité de réaliser des trucages qu’il ne peut pas faire sur scène dans son théâtre de magie : les corps découpés, les têtes détachées qui continuent de vivre, etc.

Les chefs-d’œuvre vont se succéder jusqu’aux années 1904/1905. Mais à cette date, le cinéma arrive à un tournant de son histoire : il commence à s’industrialiser. Et Méliès n’est qu’un artisan du cinéma. En près de deux décennies, il produira plus de 500 films qui sont distribués internationalement, notamment grâce à sa succursale de New York.

En effet, ,avec l’aide de son frère Gaston il tentera de partir à l’assaut du marché américain en créant sur ce territoire la « Star Film ». Il y découvrira que le piratage de ses œuvres est généralisé. Il ne peut rivaliser avec les sociétés de production américaines et arrêtera définitivement de réaliser des films en 1913, année du décès de son épouse. En 1923, poursuivi par les créanciers, il cède le stock des négatifs à un récupérateur pour en extraire le celluloïd et, dans un geste de colère, il détruira les films qu’il possède encore dans son studio de Montreuil.

Il transformera alors son studio en théâtre et produira de nombreux spectacles jusqu’en 1925. Cette année-là, il se remariera avec Jehanne d’Alcy l’une de ses anciennes actrices qui tient une échoppe de jouets et de bonbons à la gare Montparnasse.

L'échoppe de la gare Montparnasse

Cette partie de la vie de Georges Méliès est évoquée dans le film "Hugo Cabret". Et c'’est là, dans cette échoppe de la gare Montparnasse qu’il va être redécouvert. En effet, selon la légende, en 1926, un cafetier passe devant la boutique et salue Méliès à haute voix. Léon Druhot, alors directeur du Ciné-Journal, se trouve sur place. Lui qui pensait Méliès mort depuis belle lurette n’en croit pas ses oreilles. Il l’interpelle : “Seriez-vous parent avec Georges Méliès qui faisait du cinéma avant-guerre ?” – “Mais c’est moi-même”. Druhot écrit alors une série de sept articles intitulés “En marge de l’histoire du cinématographe” qui paraissent dans son journal. La génération d’après-guerre peut ainsi redécouvrir l’œuvre de Méliès.

La profession ne l'a pas non plus totalement oublié puisqu'il est nommé en 1926 premier membre d’honneur de la Chambre syndicale de la Cinématographie. Le 16 décembre 1929, quelques-uns de ses films sortis des greniers sont projetés à la salle Pleyel lors d’un gala en son honneur. Puis en mars 1931, Méliès est reconnu par la profession, avec Louis Lumière, comme “l’un des deux piliers du cinéma français”. Il recevra la Légion d’Honneur le 22 octobre 1931.

Nous sommes en 1932. La boutique de jouets n’est plus rentable. Georges Méliès, sa femme et sa petite-fille sont accueillis au château d’Orly, propriété de la Mutuelle du Cinéma, où des retraités du cinéma peuvent couler des jours heureux. Il décèdera le 31 janvier 1938.

Comble de l’ironie, c’est grâce aux nombreuses copies pirates de ses films que nous pouvons aujourd’hui visionner ses chefs-d’œuvre !

La légende veut que Georges Méliès soit le découvreur du procédé de la caméra arrêtée. Il aurait découvert ce procédé en filmant une voiture hippomobile. La caméra se serait bloquée, et lorsqu’elle se serait débloquée, il aurait continué à filmer ; mais la voiture s’étant éloignée, ce serait un corbillard qui serait alors passé devant l’objectif. En développant la pellicule et en la visionnant, on aurait eu l’impression que la voiture hippomobile s’était transformée en corbillard.

La légende est belle, mais il ne s’agit vraisemblablement que d’une légende que Méliès ne démentit pas. En réalité, ce procédé aurait été utilisé dès 1895 par des opérateurs de Thomas Edison pour le film « L’exécution de Mary, reine des écossais ». Georges Méliès avait probablement dû voir ce film lors de son séjour à Londres, à moins qu'il ne l'ait acquis.