jeudi 8 avril 2021

Le génie Méliès

Si les frères Lumière ont inventé le cinéma et Pathé et Gaumont l’industrie du cinéma, Georges Méliès a, quant à lui, inventé le spectacle de cinéma !

Né dans une riche famille ayant fait fortune dans l’industrie de la chaussure, il aurait pu se contenter d’une vie de rentier, mais il n’a pas vocation à poursuivre dans cette voie. Lors d’un séjour en Angleterre, il va découvrir sa véritable passion : la magie !

De retour à Paris, il va décider de vivre de son art. Avec l’héritage de son père, il achète le théâtre Robert Houdin, temple de la magie, situé non loin du Grand Café où aura lieu la première projection de cinéma de l’histoire. Il se passionne pour certaines nouvelles technologies comme le théâtre optique d’Émile Reynaud.

Il assistera en 1995 à la première projection de cinéma mais se verra opposer par les frères Lumière un refus pour l’acquisition de cette nouvelle machine. Sans se décourager, Georges Méliès achète à Londres un Theatrotograph et débute la projection de films. Puis, aidé par Lucien Reulos et l’ingénieur Korsten, il fabrique un appareil de prises de vue baptisé Kinetograph. À l’aide cet appareil, il tourne le 10 juin 1896 son premier film dans la propriété familiale à Montreuil.

Le studio de Montreuil
De nombreux autres suivront. Le 22 mars 1897, il inaugure son premier studio de cinéma entièrement vitré, le plus perfectionné au monde à l’époque.  Méliès n’arrête pas de tourner et découvre toutes les possibilités de sa caméra et notamment les trucages de toutes sortes : utilisation de fonds noirs, utilisation de l’arrêt de la caméra, utilisation de la surimpression, trompe-l’œil (n’oublions pas que George Méliès possède un réel talent de dessinateur), etc. Si Méliès filme quelques drames historiques comme l’Affaire Dreyfus, les fééries sont sa spécialité.

Le cinéma offre à Méliès la possibilité de réaliser des trucages qu’il ne peut pas faire sur scène dans son théâtre de magie : les corps découpés, les têtes détachées qui continuent de vivre, etc.

Les chefs-d’œuvre vont se succéder jusqu’aux années 1904/1905. Mais à cette date, le cinéma arrive à un tournant de son histoire : il commence à s’industrialiser. Et Méliès n’est qu’un artisan du cinéma. En près de deux décennies, il produira plus de 500 films qui sont distribués internationalement, notamment grâce à sa succursale de New York.

En effet, ,avec l’aide de son frère Gaston il tentera de partir à l’assaut du marché américain en créant sur ce territoire la « Star Film ». Il y découvrira que le piratage de ses œuvres est généralisé. Il ne peut rivaliser avec les sociétés de production américaines et arrêtera définitivement de réaliser des films en 1913, année du décès de son épouse. En 1923, poursuivi par les créanciers, il cède le stock des négatifs à un récupérateur pour en extraire le celluloïd et, dans un geste de colère, il détruira les films qu’il possède encore dans son studio de Montreuil.

Il transformera alors son studio en théâtre et produira de nombreux spectacles jusqu’en 1925. Cette année-là, il se remariera avec Jehanne d’Alcy l’une de ses anciennes actrices qui tient une échoppe de jouets et de bonbons à la gare Montparnasse.

L'échoppe de la gare Montparnasse

Cette partie de la vie de Georges Méliès est évoquée dans le film "Hugo Cabret". Et c'’est là, dans cette échoppe de la gare Montparnasse qu’il va être redécouvert. En effet, selon la légende, en 1926, un cafetier passe devant la boutique et salue Méliès à haute voix. Léon Druhot, alors directeur du Ciné-Journal, se trouve sur place. Lui qui pensait Méliès mort depuis belle lurette n’en croit pas ses oreilles. Il l’interpelle : “Seriez-vous parent avec Georges Méliès qui faisait du cinéma avant-guerre ?” – “Mais c’est moi-même”. Druhot écrit alors une série de sept articles intitulés “En marge de l’histoire du cinématographe” qui paraissent dans son journal. La génération d’après-guerre peut ainsi redécouvrir l’œuvre de Méliès.

La profession ne l'a pas non plus totalement oublié puisqu'il est nommé en 1926 premier membre d’honneur de la Chambre syndicale de la Cinématographie. Le 16 décembre 1929, quelques-uns de ses films sortis des greniers sont projetés à la salle Pleyel lors d’un gala en son honneur. Puis en mars 1931, Méliès est reconnu par la profession, avec Louis Lumière, comme “l’un des deux piliers du cinéma français”. Il recevra la Légion d’Honneur le 22 octobre 1931.

Nous sommes en 1932. La boutique de jouets n’est plus rentable. Georges Méliès, sa femme et sa petite-fille sont accueillis au château d’Orly, propriété de la Mutuelle du Cinéma, où des retraités du cinéma peuvent couler des jours heureux. Il décèdera le 31 janvier 1938.

Comble de l’ironie, c’est grâce aux nombreuses copies pirates de ses films que nous pouvons aujourd’hui visionner ses chefs-d’œuvre !

La légende veut que Georges Méliès soit le découvreur du procédé de la caméra arrêtée. Il aurait découvert ce procédé en filmant une voiture hippomobile. La caméra se serait bloquée, et lorsqu’elle se serait débloquée, il aurait continué à filmer ; mais la voiture s’étant éloignée, ce serait un corbillard qui serait alors passé devant l’objectif. En développant la pellicule et en la visionnant, on aurait eu l’impression que la voiture hippomobile s’était transformée en corbillard.

La légende est belle, mais il ne s’agit vraisemblablement que d’une légende que Méliès ne démentit pas. En réalité, ce procédé aurait été utilisé dès 1895 par des opérateurs de Thomas Edison pour le film « L’exécution de Mary, reine des écossais ». Georges Méliès avait probablement dû voir ce film lors de son séjour à Londres, à moins qu'il ne l'ait acquis.

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