jeudi 26 mai 2022

Le cosplay, le rapport à son personnage

Le cosplay est une composante importante de l’univers steampunk. En effet, bien que le steampunk se retrouve dans la littérature, c’est par des médias plus visuels qu’il s’est développé. Aujourd’hui, l’univers steampunk vit au travers d’illustrations, de décors mais surtout de cosplays.

Mais pourquoi se cosplay-t-on ? La réponse à cette question pourra sembler évidente pour les adeptes de cette activité, mais en y regardant de plus près, c’est un sujet plus complexe qu’il en a l’air. De nombreux cosplayeurs décrivent en effet leur passion comme bien plus qu’un simple passe-temps : c'est un moyen de stimuler leur développement personnel, de mieux se connaître ou encore de surmonter leurs peurs…

Nous allons donc essayer de comprendre ce qui rend cette pratique si particulière.

Similarités et différences par rapport au théâtre

À première vue, le cosplay peut sembler assez similaire au théâtre, en tout cas en ce qui concerne l’incarnation d’un personnage. En effet, le cosplayeur joue un rôle comme un acteur de théâtre joue le sien. Le point commun va même plus loin : comme le suggère le metteur en scène Constantin Stanislavski dans ses ouvrages La Formation de l’Acteur et La Construction du personnage, l’acteur ne doit pas simplement « jouer » le personnage pour être convaincant sur scène, il doit « être » le personnage. Stanislavski écrira d’ailleurs : « Peu importe que le jeu soit bon ou mauvais, ce qui importe, c'est qu'il soit vrai ». Ce qui est important, ce n’est pas tant ce à quoi il ressemble de l’extérieur, du point de vue du public mais ce qu’il a l’air de l’intérieur. Ce travail d’introspection et de sincérité envers soi-même que propose Stanislavski a pour but la libération de soi et ainsi une expression artistique beaucoup plus juste. En ce sens, le cosplay rentre exactement dans cette méthode puisque l’un des buts principaux du cosplayeur est d’« être » son personnage, de vivre sa vie.

Mais cet état d’esprit amène à une des différences majeures avec le théâtre : en tant que cosplayeur, il joue principalement pour lui-même, pour vivre en partie ce que vit son personnage. Le « public » (les visiteurs non costumés lors des conventions) n’est pas nécessaire, certains événements se déroulant en effet uniquement entre cosplayeurs. On peut par exemple penser à des visites de bâtiments médiévaux en habits d’époque : il ne cherche pas ici à se produire devant un public mais à s’immerger dans un univers donné.
Cependant, bien qu’un public ne soit pas absolument requis, le cosplay se différencie également du théâtre de par sa plus grande interactivité. Les rencontres faites lors des événements liés au cosplay, surtout lorsque la personne rencontrée est également un cosplayeur, se déroulent dans son univers. Chacun jouant son personnage, il n’est pas rare de voir des cosplayeurs échanger tout en restant dans leur personnage : un personnage de médecin inter-dimensionnel steampunk racontera comment il a soigné un voyageur temporel par exemple. C’est un moyen de brouiller les limites entre notre personnalité et celle du personnage incarné.

Cette interactivité mène aussi à une certaine improvisation. Bien qu’il soit commun de préparer un peu ce qui pourrait être dit lorsqu’on est dans le personnage, la plupart des interactions ne sont pas prévues, il n’y a pas de texte prédéfini. De plus, le théâtre se joue majoritairement dans un lieu très normé, souvent clos, ce qui est moins le cas des cosplayeurs : l’environnement dans lequel ils évoluent ne possède pas toujours de limites claires.

Le rapport à son personnage

En incarnant un personnage, un lien évident se crée entre le cosplayeur et son double. Ce lien peut prendre plusieurs formes différentes et a la capacité de faire évoluer la vision qu’il a de lui-même.

Ce personnage qui lui ressemble

Étant donné qu’un cosplayeur incarne un personnage principalement pour lui-même, il s’agit souvent d’un personnage auquel il s’identifie, dont les traits seront similaires à ceux du cosplayeur. Ceci est d’autant plus vrai lorsque le personnage en question est créé de toutes pièces par le cosplayeur : lorsqu’on se crée un double, une seconde identité, il est difficile de s’empêcher de ne pas insuffler dans cette personne une part de notre propre personnalité. De plus, lorsqu’il l’incarnera, il sera d’autant plus simple de déterminer comment ce personnage réagirait.

Ce personnage différent

Cependant, le cosplay est aussi et surtout un moyen de s’évader, de vivre dans un monde qui n’est pas le sien. C’est l’occasion de se mettre dans la peau de quelqu’un d’autre, pour vivre des choses que l’on ne vivrait pas en temps normal. Par exemple, certains choisissent d’incarner un personnage comme un super-héros, qui se rapproche d’un idéal de courage et de vertu. Ainsi, ils peuvent confronter leur propre personnalité à celle de leur personnage, ce qui a par exemple aidé de nombreux cosplayeurs à s’affirmer, à gagner en confiance en eux. En se plaçant dans un environnement sûr et contrôlé, il devient plus simple de simuler un comportement moins timide par exemple, sans pour autant craindre de conséquences. Le double nous sert alors de protection pour évoluer, devenir plus mature et ainsi gagner en assurance dans le monde réel.

Mais il peut aussi être intéressant de choisir un personnage plus ambigu voire d’incarner un antagoniste. Toujours au sein d’un environnement contrôlé, il devient alors possible de simuler le comportement de cet antagoniste, libéré de toute pression sociale. Le cosplay peut alors jouer le rôle d’exutoire sans que nos actions n’entraînent de conséquences graves sur le monde qui nous entoure (bien que le cosplayeur se confrontera toujours aux limites imposées par la société et ne pourra pas jouer son double jusqu’au bout).

Ainsi, le cosplay permet de vivre une autre vie où tout est possible, dans une ambiance rassurante et bon enfant. Le caractère devient alors une chimère, un hybride entre un personnage fantasmé et notre propre personnalité.


Gildas Blueford

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