Un texte manuscrit du 10 août 1856 vient d’être découvert lors de travaux réalisés dans un mur de la chapelle Sainte-Croix-de-Jérusalem à Dijon.
Un papier plié en six a été découvert fin janvier 2021 par des maçons qui travaillaient à la restauration de la chapelle Sainte-Croix-de-Jérusalem à Dijon. Sentant une pierre bouger, ils l’ont extraite du mur et ont trouvé derrière un papier plié en six et déposé volontairement à cet endroit par un précédent maçon… du 10 août 1856 !
Il y raconte qu’avant d’être maçon, à l’âge de 18 ans, il a participé à la guerre de Crimée qui a opposé de 1853 à 1856 l’empire Russe à une coalition formée de l’empire Ottoman, de la France, du Royaume Uni et du royaume de Sardaigne. Il a été marin sur « L’Orénoque », une frégate à vapeur.
Il explique aussi qu’à cette époque règne une grande misère dans la ville de Dijon. En cause, peut-être, les pluies torrentielles qui s’abattent sur une partie de la France et provoquent des crues dans la vallée du Rhône.
Ce type de document laissé par des artisans n’est pas rare, mais la grande majorité d’entre eux ne sont jamais découverts ou se détruisent au cours du temps à cause de l’humidité. Ce témoignage rare nous replonge en quelques lignes directement dans la France de Napoléon III.
Il est intéressant de noter que cette lettre rédigée par un artisan l’est dans un excellent français et que son auteur cite même un vers de Racine. Cela donne une idée de l’instruction de son auteur.
Cette lettre sera déposée aux archives municipales de la ville de Dijon.
Au recto "En cette chapelle étant en réparation a travaillé le sieur Godard marin [congédié ?] de la frégate à vapeur l'Orénoque après avoir fait la campagne de Crimée à l'âge de 18 ans, natif de Moloy canton d'Is sur Tille Côte d'or Celui qui met des freins à la fureur des flots sait aussi des méchants arrêter les complots Noms des ouvriers plâtriers : Guillemain Chaser Nicolas Villemain Godard Nicolas année 1856" Au verso "10 août Boutique de Monsieur Lambert plâtrier cour du cheval blanc rue Saint Nicolas Au moment où ces lettres sont écrites la plus grande misère existe à Dijon" Nicolas Antoine Godard, fils d'Antoine Godard cordonnier et de Marie Boyer, est né le 14 février 1838 à Moloy en Côte d'Or. Son témoignage évoque son passage sur le trois mâts « L'Orénoque ». Ce navire à propulsion mixte (voiles et vapeur) fut mis à la mer en 1843 et devint l'un des navires de la flotte française au cours de la guerre de Crimée, mobilisé notamment au cours du siège de Sébastopol. Il fut sorti de la flotte de l'armée française en 1878 pour être transformé en baleinier. Comme une devise, Nicolas Godard complète sa biographie sommaire par une citation tirée de l'Athalie de Racine : "Celui qui met des freins à la fureur des flots sait aussi des méchants arrêter les complots". Cette mention se rapporte-t-elle à l'Orénoque ou à un épisode de la vie de Nicolas Godard ? Les interprétations à l'heure actuelle restent ouvertes. Dans son texte, l'ouvrier fait référence à la boutique de monsieur Lambert, plâtrier, cour du cheval blanc. Située 36 rue Saint-Nicolas (actuelle rue Jean-Jacques Rousseau), cet îlot d'habitation abrite alors des ouvriers et des artisans - relieurs, doreurs, serruriers, couvreurs, tailleurs de pierre, menuisiers...- parmi lesquels la famille Lambert. Enfin le document nous interpelle par la mention finale écrite par l'ouvrier-plâtrier. Pour témoigner du quotidien de ses semblables, il conclut son texte en indiquant « Au moment où ces lettres sont écrites la plus grande misère existe à Dijon ». Mention troublante qui fait resurgir la vie, souvent difficile, des plus humbles, plus de 165 ans après avoir été écrite. |
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