Pour vous accompagner durant tout l'été, le Gramophone Beuglant vous propose de lire une nouvelle de Gustave Boileau : "Le jour où la machine s'arrêta". Bonne lecture et à la semaine prochaine pour la suite !
Chapitre 1 – Le rendez-vous
Il est sept heures et le jour n’est pas encore levé lorsque Georges Brétavia décide de quitter son hôtel particulier afin de se rendre chez son client. Il n’aime pas particulièrement les rendez-vous de travail à des heures aussi matinales, mais son correspondant ne lui a pas vraiment laissé le choix : ce sera ce mardi matin à 8h !
Et puis, il faut dire que ce rendez-vous l’intrigue particulièrement. Son correspondant lui a expliqué qu’il avait eu connaissance de son dernier voyage en terre africaine et de ses recherches sur l’amélioration de l’être humain et qu’il avait un objet à lui transmettre qui l’intéresserait vraisemblablement. Georges Brétavia s’était en effet rendu dernièrement en Afrique, voyage au cours duquel il avait effectué à de nombreuses recherches notamment sur des plantes indigènes aux pouvoirs encore inconnus. Mais comment ce mystérieux correspondant en avait-il eu connaissance et quel était cet objet qu’il voulait lui remettre ? Autant de questions auxquelles il aurait les réponses dans quelques heures.
Tout en descendant l’escalier, Georges rappelle ce rendez-vous à son épouse et lui dit qu’il espère rentrer pour le déjeuner. Il lui demande d’embrasser pour lui son fils et lui dit combien il les aime tous les deux et qu’il se languit d’être de retour à la maison.
Le temps de glisser quelques livres dans la sacoche qui ne le quitte jamais, et le voilà parti. Le fiacre l’attend au pied de l’escalier. Il s’y engouffre après avoir donné l’adresse de destination au cocher. De temps en temps il jette un coup d’œil sur ce cartable fétiche qui contient tout ce dont il a besoin pour travailler. Le temps n’est pas spécialement beau. Les cochers n’apprécient pas de conduire sous la pluie et il va sûrement encore mettre plus d’une demi-heure pour se rendre à destination. Il demande donc au cocher de changer d’itinéraire afin de gagner un peu de temps. Il ne traversera pas la ville mais se rendra chez son client en suivant les lices. La route est en effet plus dégagée. Une fois la porte des remparts franchie puis les faubourgs, il lui reste encore de la route à faire. La maison de son client se situe dans un hameau à l’écart de la ville éloigné de tout village et de toute habitation à plusieurs kilomètres. Un lieu propice à la retraite, à la méditation ou à un séjour en amoureux, se dit-il. Il se dit aussi qu’il pourrait y emmener Eugénie, sa femme, pour un week-end romantique.
Il pleut maintenant et la route mouillée lui renvoie le faible reflet des phares du fiacre. Cela fait bientôt une heure qu’il est parti et il aurait dû trouver le croisement à l’intersection duquel il est sensé tourner à droite. Le tonnerre gronde et les éclairs se rapprochent. Même s’il n’a pas peur, Georges trouve la situation peu rassurante. A l’aube, en campagne, dans un endroit qu’il ne connaît pas avec une météo épouvantable, il espère que le cheval ne glissera pas sur un mauvais pavé ou dans une ornière. Il s’amuse à imaginer, comme dans les romans d’épouvante, voir déboucher à chaque virage un paysan hirsute brandissant une hache ! Mais rien de tout cela, seulement de la pluie, du tonnerre et des éclairs.
L’orage se rapproche. Avec lui, la foudre se fait de plus en plus pressante. Il n’y voit plus rien. Il demande donc au cocher de tenter de se ranger le long du chemin dès qu’il apercevra un endroit abrité. Cela devrait lui permettre d’attendre un instant que la pluie se calme un peu. Cela ajoute un côté dramatique à ce rendez-vous mystérieux.
Le dernier éclair est tombé si près de lui qu’outre le bruit assourdissant, le flash de lumière l’a quasiment aveuglé. Le fiacre s’est arrêté. Il reste ainsi de longues minutes à attendre un répit qui ne vient pas. Un nouvel éclair déchire le ciel. Cette fois-ci il a choisi de s’abattre sur la voiture. L’impact est si fort que Georges en perd connaissance.
Georges reprend ses esprits, un peu groggy, tel un boxeur qui vient d’essuyer un mauvais coup. Combien de temps est-il resté ainsi inconscient ? Il ne le sait pas. Il sort sa montre à gousset de la poche de son veston mais celle-ci s’est arrêtée, probablement au moment de l’impact. La pluie battante ruisselle sur les vitres du fiacre.
Il ne sait pas l’heure qu’il est, il ne sait pas où il est et le mauvais temps ne l’encourage pas à de sortir de l’habitacle. Confronté à de telles circonstances il décide donc d’attendre que les éléments se calment.
Il commence désormais à avoir froid. Il se souvient que sous le siège du cocher se trouve toujours une couverture. Il ouvre la porte du fiacre, se glisse à l’extérieur et dans l’aurore blafarde sans lune tente de héler le cocher. Il n’aperçoit que le siège vide. Il imagine que le cocher est peut-être descendu à la recherche d’une aide. Il découvre aussi le cheval gisant au sol, vraisemblablement atteint par la foudre. Il monte à la place du cocher, soulève la malle sur laquelle celui-ci était assis à la recherche de la précieuse couverture qu’il trouve enfin. Il revient alors à l’intérieur du fiacre, s’enroule dans la couverture et ferme les yeux.
Malgré le vacarme du tonnerre et des éclairs qui semblent toujours tourner autour de lui, il tente de s’endormir. Au bout d’un moment il y parvient, sans doute aidé par la fatigue liée aux évènements étranges de cette matinée.
diantre!
RépondreSupprimerbravo pour ce premier chapitre, j'attends la suite dès aujourd'hui!